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Cancer ovarien, le « tueur silencieux »

 

Une prise en charge centralisée et personnalisée

 

Le cancer ovarien est fatal pour près de 500 femmes chaque année en Belgique. En l’absence de symptômes révélateurs particuliers, il se développe en silence et n’est diagnostiqué qu’à des stades avancés. En résulte un pronostic particulièrement sombre. Au CHU de Liège, le professeur Frédéric Kridelka et le Docteur Christine Gennigens collaborent pour assurer aux patientes une prise en charge multidisciplinaire hautement spécialisée.

Ils sont assis côte à côte dans un petit bureau du troisième étage au CHU de Liège. Le docteur Christine Gennigens est oncologue médicale, le professeur Frédéric Kridelka est gynéco-oncologue, chef du service de gynécologie obstétrique. Côte à côte : tout un symbole. Leur combat contre le cancer ovarien, c’est ainsi qu’ils le mènent, c’est leur credo. En fait, la salle dans laquelle nous nous retrouvons pour cet interview et la table à laquelle nous sommes assis sont bien trop petits pour accueillir toutes celles et ceux qui sont partie prenante avec eux dans cette aventure médicale à la fois difficile et captivante.

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Frédéric Kridelka précise : « On estime à 3.000 le nombre de cancers gynécologiques pelviens par an en Belgique. Parmi eux, 900 cancers de l’ovaire dont le taux de mortalité est le plus élevé parmi les cancers pelviens ». Pour ce cancer qui touche majoritairement les femmes ménopausées, on déplore un taux de survie à 5 ans de 35%. La raison principale de cette mortalité élevée se trouve au niveau de la détection souvent tardive de la maladie : aucun symptôme particulier ne vient prévenir la patiente que sa santé est en danger.

Christine Gennigens complète : « En anglais, on dit ‘silent killer’, le tueur silencieux, parce que malheureusement, contrairement au cancer de l’endomètre par exemple, où les femmes saignent et vont rapidement consulter, le cancer de l’ovaire est diagnostiqué à un stade 3 voire 4 dans 75% des cas ». Le constat reste donc malheureusement très sombre. Parallèlement à cette histoire naturelle difficile de la maladie ovarienne, on doit déplorer le fait qu’en Belgique, 75% des patientes atteintes de cette pathologie sont traitées dans des centres confrontés à moins de 5 cas par an. Ce sont des chiffres consternants. Notre équipe met tout en place pour centraliser et professionnaliser leur prise en charge. 

 

Qui êtes-vous, Professeur Frédéric Kridelka ?

 

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« Ma première motivation pour ce métier est née en accompagnant ma maman dans les hôpitaux. Elle était visiteuse bénévole et j’ai été subjugué par l’odeur du désinfectant. » Ce souvenir olfactif n’est pas la seule explication de l’itinéraire professionnel du professeur liégeois de 54 ans. Un papa ingénieur, une maman, fille de tailleur et qui s’occupe de prêt à porter : le lien avec la médecine n’apparaît pas au premier regard. Mais en y regardant de plus près, on a tôt fait de découvrir d’autres indicateurs. Son grand père ? Gynécologue. Un de ses oncles ? Gynécologue. Ajoutons à cela que son papa a suivi une partie de ses études aux Etats Unis. « J’ai fait mes secondaires à Liège puis j’ai commencé la médecine avec deux stages déterminants, le premier en chirurgie générale, le second en hémato-oncologie et ce dernier a joué un rôle majeur pour moi. C’était en décembre, alors que de nombreux services s’attachent à faire sortir les patients pour les fêtes de fin d’année, en hémato, ils ne pouvaient pas sortir. On a donc organisé des activités avec eux à l’hôpital. J’ai été marqué par le courage de ces gens face à la maladie et surtout par leur capacité à faire encore des projets, à regarder la vie positivement alors que, nous, sans tous ces problèmes, nous avons la capacité de nous compliquer l’existence ». L’aspect chirurgical et l’aspect oncologique l’intéressent mais au dernier moment, le virus familial le rattrape : il postule et est reçu en gynécologie. Tout bascule en 3e année lors d’un cours d’une semaine à Milan auquel le professeur René Lambotte l’autorise à participer.  C’est un cours de cancérologie gynécologique organisé par l’ESO (European society of oncology). Plusieurs professeurs internationaux se succèdent au pupitre. L’un d’eux l’impressionne particulièrement : Neville Hacker. « J’ai eu du culot en allant lui parler. J’avais 22 ans et je lui ai demandé s’il me conseillerait un institut européen pour me former dans le domaine des cancers gynécologiques. Au terme d’une discussion d’une heure, il me proposait d’aller chez lui, au Gynaecological Cancer Centre Royal Hospital for Women à Sidney, qui est un peu La Mecque des cancers gynécologiques ». En juin 1994, Frédéric Kridelka met le cap sur l’Australie. Après 3 années de formation, il décroche un diplôme de cancéro-gynécologie, alors qu’il n’y avait pas de reconnaissance officielle de cette discipline en Belgique. Il revient à Liège en 1998 pour développer l’activité d’onco-gynécologie pelvienne sur le site du CHR de la Citadelle.  « En 2007, la position académique de professeur et de chef de service de gynécologie-obstétrique au CHU de Liège devenait vacante à la succession d’Ulysse Gaspard. J’ai postulé à cette place et l’ai obtenue. J’ai donc transféré mon activité vers le site ND Bruyères pour tout ce qui était clinique et vers le Sart Tilman pour tout ce qui était enseignement et recherche. A partir de là, le challenge était de développer le service de gynéco-obstétrique au sens large ainsi que l’oncogynécologie pelvienne, mon projet personnel le plus excitant ».

Avec les docteurs Frédéric Goffin (formé pendant deux ans au Centre hospitalier universitaire de Montréal), Marjolein De Cuypere (formée pendant deux ans à Toulouse chez deux  « superstars » dans le domaine : le professeur Denis Querleu, président de la société européenne d’oncogynécologie, et chez le docteur Gwenaël Ferron) et Athanasios Kakkos (formé auprès du professeur Eric Leblanc à Lille), c’est une équipe « multiculturelle » composée de 4 oncologues gynécologues formés à l’international que Frédéric Kridelka met en place en place et centralise progressivement sur le site du CHU au Sart Tilman. Soudée, cohérente, cette équipe est aussi multidisciplinaire. « Cette collaboration multidisciplinaire, c’est  une de mes passions. Nous travaillons avec des oncologues médicaux (avec principalement le docteur Christine Gennigens, la référence dans le domaine), des radiothérapeutes (Joanne Hermesse), radiologues (Alain Thille), médecins nucléaristes (Catherine Beckers), anatomopathologistes (Katty Delbecque), infirmières de liaison (Sabine Brouers, Natacha Lo Sardo), data nurse (Aude Piron), data nurse des COM qui s’occupe de l’encodage au registre du cancer (Laure Kempeneer) et des collaborations au-delà de la COM avec les chirurgiens digestifs (Geneviève Remacle, Carla Coimbra), chirurgiens plasticiens (Ludovic Ranwart), nutritionnistes (Nicolas Paquot, Jenny De Flines), psychologues (Catherine Legrand)… Bref, c’est une machine de guerre. Il y a une dynamique de feu là derrière (rires) ».

Mon plus grand plaisir, c’est la rencontre multidisciplinaire et la rencontre avec les patients oncologiques, le trajet de soin qu’on fait avec eux. Ce sont des patients particuliers. Quand on sait qu’on souffre d’une maladie comme celle-là, on commence à laisser de côté une série de problèmes.  Passé, présent, avenir avec le futur Institut de Cancérologie : un fil rouge guide la route de Frédéric Kridelka.  « Je ne sais pas quelle est ma plus grande passion. Il y a le côté technique chirurgical, bien entendu, mais je pense que ça reste les gens.

Les publications du Pr. Frédéric Kridelka

 

Qui êtes-vous, Docteur Christine Gennigens ?

 

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Christine Gennigens n’est pas « tombée dans la médecine » quand elle était petite. On n’en dira pas de même pour son envie des contacts humains. C’est elle qui a guidé son choix professionnel. « C’était prépondérant pour moi. J’ai hésité avec le droit, puis j’ai choisi la médecine » dit-elle de ce ton décidé, franc et direct qui la caractérise.

Après 7 ans d’étude à l’université de Liège (elle est originaire de Sarolay, près de Visé) vient le moment d’opter pour une spécialisation. « Je souhaitais travailler à l’hôpital, dans un environnement multidisciplinaire, en interactivité permanente avec mes collègues ». A nouveau, son choix est guidé par les contacts humains. « L’oncologie permet d’avoir une vision holistique des patients : on ne s’intéresse pas qu’à un seul organe mais aux répercussions que la maladie ou le traitement peut avoir sur l’ensemble des organes du patient. On a aussi une vision plus globale de la personne en y intégrant une dimension socio-économique et psychologique de la maladie ». Le tout en interactivité permanente avec les chirurgiens, les radiothérapeutes, les médecins généralistes, les infirmières, les psychologues, les assistants sociaux, les kinésithérapeutes, les diététiciens, etc.

Après quatre ans de spécialisation à Liège, Christine Gennigens prend la direction de Lyon et effectue sa cinquième année en oncologie au Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard, le 3e plus gros centre de ce type en France. Elle y acquiert son expertise en gynéco-oncologie, mais également dans les sarcomes, et les tumeurs urologiques (en particulier les tumeurs du rein). Elle y fait aussi de nombreuses rencontres et tisse des liens qu’elle entretient encore aujourd’hui, enrichissant et nourrissant son expérience au contact des autres.

Les publications du Dr Christine Gennigens

 

Prévention, détection et plan de traitement

 

En matière de prévention, le constat n’est pas brillant. D’importantes études ont été menées sur des milliers de patientes, sans résultats probants. Frédéric Kridelka explique: « On peut citer l’étude UKCTOCS (United Kingdom Collaborative Trial of Ovarian Cancer Screening), une étude britannique sur 202.638 femmes qui ont testé trois modes de surveillance. Aucun de ceux-ci n’a montré un impact sur la survie de ces patientes ». Deux pistes existent toutefois. En termes de prévention primaire (qui empêche la maladie de s’installer), la contraception orale hormonale prise au long cours peut diminuer d’à peu près 50% le risque d’un cancer ovarien (c’est un bénéfice qui perdure après la ménopause). Autre constatation : si 85% des cas sont sporadiques, 10 à 15% sont d’origine génétique. Ces patientes à très haut risque ont une mutation génétique BRCA 1 ou BRCA 2 (BRCA pour BReast CAncer). « Ces femmes ont un risque particulièrement élevé de développer un cancer ovarien et/ou mammaire » explique Christine Gennigens. Frédéric Kridelka poursuit: «On leur propose une prévention individualisée, souvent primaire chirurgicale qui est le retrait des trompes et des ovaires vers l’âge de 40 ans, quand leur programme de reproduction, leur envie de fertilité sont terminés ».

En termes de détection, comment le médecin traitant peut-il suspecter qu’une de ses patientes est en train de développer un cancer ovarien ? Frédéric Kridelka répond: « Malheureusement, les symptômes sont peu spécifiques. Ce sont des patientes qui se présentent souvent avec des symptômes abdominaux. Un diagnostic de colite ou de côlon irritable est souvent évoqué. Si ça perdure ou s’aggrave, on propose de faire un scanner. Le diagnostic tombe : carcinomatose (envahissement du péritoine par des tumeurs malignes secondaires). Donc malheureusement, ce sont des signes très frustes et il est difficile de donner aux médecins de terrain une espèce de glossaire des symptômes qui pourraient les alerter et leur faire dire à leur patiente : allez voir le gynécologue oncologue ou le chimiothérapeute ».  

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Pour la grande majorité des patientes, le traitement sera à la fois chirurgical et chimiothérapeutique. Il faut en définir le plan de traitement et optimiser chacune des séquences thérapeutiques. « C’est vraiment un domaine dans lequel le dialogue constant entre chirurgiens et internistes est essentiel » précise Frédéric Kridelka. En général, le traitement standard consiste à opérer les patientes en premier lieu puis à leur délivrer le traitement de chimiothérapie. « L’opération dure souvent entre 5 et 8 heures et nous la faisons en binôme. Le but est de retirer toute la maladie visible dans les 9 cadrans de l’abdomen : au niveau du bassin bien sûr mais aussi dans chaque région ganglionnaire, autour du foie, de la rate, de l’estomac, contre le pancréas, le diaphragme. Des résections digestives sont régulièrement nécessaires et souvent réalisées en compagnie de nos collègues chirurgiens viscéraux». Une chirurgie très lourde donc qui doit être parfaitement réglée et dont l’efficacité augmente clairement quand on en acquière la routine en équipe. Nous réalisons entre 45 et 50 de ces chirurgies complexes annuellement. La récupération nécessite toute une expertise en termes d’antalgie post opératoire, de vigilance des infirmier(e)s de salle. Les  collègues anesthésistes sont également très impliqués. Chirurgie donc. Chimiothérapie également.

Christine Gennigens complète: « A la chimio classique, comme on en entend parler dans d’autres pathologies, viennent parfois se greffer des traitements complémentaires comme les anti-angiogènes (qui bloquent la capacité des tumeurs à créer leur propre environnement vasculaire). Cela concerne certains stades en première ligne de traitement ou en rechute. Il y a aussi des traitements spécifiques pour les patientes qui présentent la mutation BRCA 1 ou BRCA 2. On accorde une attention particulière au fait de personnaliser au mieux la prise en charge selon l’âge, la comorbidité,  les facteurs génétiques, les facteurs de la tumeur, la chirurgie... C’est un traitement personnalisé encore moindre que dans d’autres pathologies mais on y arrive progressivement ». Enfin, si la patiente n’est pas opérable, ce qui est déterminé essentiellement par le gynéco oncologue, on commencera par la chimiothérapie : trois cures, suivies d’une chirurgie intercalée (donc au bout de 3 cures, on opère) puis d’une nouvelle chimiothérapie. Quelle que soit la séquence thérapeutique choisie, c’est un passage rude pour la patiente et sa famille mais essentiel en termes de pronostic.

 

L’expertise, en concertation et au-delà des frontières

 

Pour améliorer la prise en charge des patientes et leur donner un maximum de chances, de temps et de qualité de vie, Christine Gennigens et Frédéric Kridelka en sont persuadés : il faut des traitements bien individualisés et centralisés.

Frédéric Kridelka : «Cette centralisation, nous y travaillons en équipe depuis 10 ans. Nous y parvenons grâce à des conventions de collaborations au sein de notre département qui est pluri-hospitalier et avec des hôpitaux périphériques au terme d’accords win/win avec des collègues qui partagent notre philosophie de soins. Cela prend du temps mais est source de profonde satisfaction pour les patientes et nous-mêmes ». En d’autres termes : on ne fait bien que ce qu’on fait souvent. Ensemble donc, nous travaillons dur pour professionnaliser, expertiser la prise en charge du cancer de l’ovaire à toutes ses étapes, dès le bilan de départ : nutritionnel, psychologique, radiologique, médical, chirurgical, génétique, etc.

Toutes les décisions se prennent ensemble, autour de la table. Et il y a du monde ! « Les gynéco-oncologues, les oncologues médicaux, l’anatomopathologiste, le radiologue, le médecin nucléariste, le radiothérapeute, le data nurse des études cliniques, l’infirmier(e) de liaison, la secrétaire de COM (consultation oncologique multidisciplinaire), le médecin généraliste, etc. » Beaucoup de patientes présentent des troubles de nutrition, certaines ne s’alimentent plus comme avant depuis longtemps et ont perdu du poids. Un système de référence vers nos collègues nutritionnistes est donc en place, avant d’opérer et puis pendant le traitement car la qualité de nutrition et le taux de protéines sont importants pour la cicatrisation chirurgicale, les sutures digestives, etc.

Frédéric Kridelka : « C’est un travail d’expert à chaque étape, chaque décision » Christine Gennigens : « On peut faire gagner du temps et de la vie à la patiente. C’est probablement ça qui fait que la survie a augmenté depuis ces 30 dernières années. Avant, on n’opérait peut-être pas les patientes quand elles rechutaient. Maintenant on réopère. La qualité et l’agressivité dans les traitements chirurgicaux (tout en tenant compte de la qualité de vie des gens), ainsi que dans les traitements médicaux, ont permis des améliorations tangibles». Frédéric Kridelka : « Beaucoup d’articles montrent que des patientes traitées en centre expert par des chirurgiens experts et des équipes expertes ont des meilleures survies que celles traitées en dehors ».

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L’expertise, c’est aussi se tenir au courant de ce qui se passe ailleurs. Christine Gennigens : «En oncologie médicale, en ce qui me concerne, j’ai réalisé une de mes années de formation à l’étranger dans un centre expert étranger (Lyon). En plus de l’expertise acquise là-bas, nous gardons des contacts avec nos collègues.  C’est très enrichissant : il y a toujours plus d’idées dans trois têtes que dans une». Frédéric Kridelka : « Que ce soit avec Lille (le centre Oscar Lambret), Paris (le centre Gustave Roussy), ou Lyon (le centre Léon Bérard), tous clairement reconnus comme experts dans ces pathologies, nous entretenons des interactions scientifiques et amicales régulières. Ils participent à nos symposiums et lorsque nous avons des cas complexes, nous n’hésitons pas à les contacter, à avoir des échanges ». Christine Gennigens et Frédéric Kridelka s’impliquent aussi dans des consensus nationaux et internationaux de prise en charge des cancers ovariens, pour être sûrs de bénéficier en permanence des dernières informations dans le domaine. Le CHU est également co-organisateur du diplôme universitaire européen de gynéco-oncologie avec Lyon, Nantes et Paris, et donc dans la formation des jeunes gynécologues qui veulent avoir un diplôme de gynéco-oncologue. Toutes ces implications et ramifications font que le CHU a accès à des études cliniques et donc à de nouveaux médicaments dont d’autres centres plus petits ne disposent pas.

C’est donc tout un trajet, une filière de soins qui doit être optimisée à chaque étape. Près de chez nous, les groupes les plus performants en Allemagne et en France parlent aujourd’hui de survie globale moyenne de plus de 100 mois (109 mois à Berlin). En Belgique, les choses se mettent en place petit à petit. Frédéric Kridelka : « Notre objectif est d’essayer de concentrer la compétence médico-chirurgicale au CHU dans une atmosphère de collaboration ‘win win’ avec les centres référents ». Le discours tenu est le suivant : notre objectif est de mieux traiter les patientes qui ont un cancer ovarien. Vous n’en voyez pas beaucoup et à l’heure actuelle vous les gardez chez vous. Acceptez-vous de désigner un de vos chirurgiens qui est intéressé, qui prend les patientes et qui vient les opérer avec nous au CHU ? En échange, nous nous déplacerons pour participer aux réunions multidisciplinaires sur votre site, nous ferons aussi du conseil thérapeutique, nous offrirons des participations à des études auxquelles vos patients n’auraient pas accès en d’autres circonstances ». Frédéric Kridelka explique: « On essaye de leur donner les meilleures recommandations, les plus actualisées, on fait circuler l’information scientifique de qualité sur le plan de cette pathologie, on va chez eux faire une espèce de conseil thérapeutique, et on leur dit : en échange opérons les ensemble ici ». Cette approche est au final très valorisante pour les deux équipes.

Des conventions de collaboration ont été signées dans ce sens avec l’hôpital du Bois de l’Abbaye à Seraing et l’hôpital Ambroise Paré à Mons. D’autres sont en discussion. Par ailleurs, Christine Gennigens et Frédéric Kridelka organisent chaque année un symposium d’hiver d’oncologie gynécologique pelvienne qui regroupe une centaine de thérapeutes de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En France et dans plusieurs pays scandinaves, les gouvernements ont pris les choses en main. Ils obligent les hôpitaux qui ne traitent pas au moins un certain nombre de patientes à les envoyer vers un centre de référence. Si cela devait arriver en Belgique, le tout serait de savoir à quel niveau placer le curseur. Christine Gennigens : « Ca ne plait pas à tout le monde mais à un moment, il faut se rendre compte que c’est la santé et l’amélioration des survies qui sont en jeu. N’est-il pas logique et éthique d’avoir pour nos patientes la même attitude que celle que nous aurions pour nos proches… à savoir les envoyer vers des centres de référence ?».

 

Viser à restaurer la qualité de vie, toujours

 

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Si le taux de décès pour le cancer de l’ovaire reste élevé, les dernières statistiques américaines (les Etats-Unis ont une gigantesque banque de données : 34.000 patientes avec des cancers ovariens) font toutefois état de 47% de survie à 5 ans, tous stades confondus. Durant cette période, la qualité de vie est un point essentiel. Christine Gennigens : « Chacun des 4 oncologues gynécologues de notre équipe participe à des consultations mixtes. Au lieu de voir une fois le gynéco oncologue et puis l’oncologue, nos patientes nous voient en même temps, dans le même bureau ». Frédéric Kridelka : « Ce sont deux anamnèses plus ciblées. Si elles ont des questions, on répond directement, il y a des interactions constantes. Les patientes disent apprécier ce système. Elles constatent une cohérence dans nos décisions. Pour toutes ces patientes, nous visons l’objectif de restaurer une vie de qualité tout en restant vigilants et si la maladie se remanifeste, de choisir avec elles le moment le plus juste pour initier une nouvelle phase de traitement. Ce sont également des décisions cruciales et complexes. Ça aussi, c’est de l’expertise, de l’expérience acquise qui apporte énormément aux patientes ».

 

Message aux médecins généralistes

 

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Si nous devons retirer un message de ces années de travail commun, c’est qu’on n’améliore pas la prise en charge et le pronostic des patientes atteintes de maladies complexes en fonctionnant isolément.

L’ouverture est essentielle et une centralisation des patientes est possible notamment à travers des accords interhospitaliers basés sur une circulation obsessive des informations médicales et scientifiques et un profond respect entre tous les intervenants, au bénéfice conjoint des patientes et des médecins qui cheminent ensemble. Le lien avec les médecins traitants est indispensable.

Frédéric Kridelka complète : « Nous essayons de communiquer au mieux avec eux, d’impliquer les généralistes aussi dans l’enseignement. Par exemple, ils viennent parler du dépistage du cancer dans mon cours à l’université. De notre côté, nous allons à leur rencontre notamment via l’EPU, l’Enseignement post universitaire, qui est géré par Didier Giet. En ce qui me concerne, je m’y rends le dimanche matin pour leur expliquer ce qu’on peut faire comme chirurgie. Donc, là aussi on parle, on explique, on écoute». Que ce soit en faisant du multidisciplinaire, en passant des conventions avec d’autres institutions, en s’impliquant au niveau national et international, en remplissant son rôle académique ou en nourrissant le lien avec les généralistes, éviter l’isolement est un souci permanent.


A LIRE

 

► L'édito de Pierre Gillet, directeur médical